Le discours ambiant ? Il finit par déteindre sur nous. N'empêche. Même si on se sent très bien, on est vite cernée par l'épidémie mariages-bébés.
Le coup de fil à l'ex-confidente donne un truc du genre : "Ah, bon, J.-J. ne t'a -pas appelée de tout le week-end ? Attends, y'a Tom qui trucide son frère. Ce qu'il peut être ceci (ou cela), en ce moment... Au fait, tu disais ?"
Un dîner chez les Bertrand-Laussac ? On se retrouve seule à être seule (on n'a pas de mec en ce moment ou J.-J. joue les hommes de l'ombre).
On invite les Duchmoit ? Ils débarquent, mômes sous le bras et passent la soirée à évoquer les rhinos à répèt' du dernier ou leurs problèmes de nounou agréée. Une nounou agréée ? On sait à peine ce que c'est. On se sent vaguement hors compèt'.
Au bureau, on a droit aux petites phrases. Les " t'es peut-être trop ceci ou trop cela " (sous-entendu : c'est pour ça que t'es pas casée, etc.). Et en famille, aux refrains classiques : " Alors, toujours pas mariée ? " ou " A quand le bébé ? ". On sait bien que c'est leur façon à tous de se protéger d'une liberté qui les remet en question. Eux, et leur couple.
Mais, insidieusement, ce discours ambiant finit par entrer en résonance avec ce que les psys appellent "notre regard normatif".
Cette peur de ne pas être comme les autres. D'autant, qu'avec l'arrivée des premières petites rides, on se fragilise. Suffit d'un micro-événement ou d'un truc mal assumé (le désistement d'un jules pour Marbella cet été ; le faire-part d'un petit Arthur de 3,8oo kg ; un no sex land, un peu longuet) pour dégonfler un moral de 'bath célibat'. Ou, si on est avec quelqu'un, d'une phrase anodine : "On est bien ensemble, qu'est-ce que tu veux de plus ?".
Arrive alors le moment où Géraldine fait le bilan. Si elle est seule, elle en a ras le coeur d'arpenter la carte du Tendre d'est en ouest ; des essais non transformés ; de l'amant abonné à ses nuits mais qui refuse de s'investir dans le grand méchant quotidien. Elle échangerait désormais liberté contre intimité (même avec engueulades). Si elle est en couple, elle s'interroge sur ce que cachent ces atermoiements, cette incapacité à se projeter dans l'avenir à deux. Dans les deux cas, elle commence à zieuter les gentils ménages avec bébés, à se renseigner sur leurs us et coutumes.
C'est qu'elle vient de réaliser une chose atroce : "La jeunesse, c'est bien connu, c'est surtout dans la tête." Mais pour le môme fait maison, faut compter avec le corps et sa dead line.