Noëlle, également célibataire, 30 ans, et un job de "commerciale" dans une agence de photos internationalement connue, possède une explication concernant cette difficulté à se défendre soi-même de la séduction psychologique que l'on peut exercer sur autrui, jusqu'à risquer de se faire "bouffer", pour employer son langage imagé : "Je crois qu'on est d'autant plus vulnérable que l'on ne soupçonne pas que les autres puissent être dépourvus de "qualités" d'écoute que l'on possède de façon innée, congénitale, je dirais... donc on ne se méfie pas".
On se laisse approcher de trop près par des gens qu'on peut finir par trouver atrocement casse-pieds. Une fois le pli pris, ça devient très difficile de faire machine arrière. " A l'agence, on entrait dans mon bureau comme à confesse. Epuisant. J'ai mis longtemps à admettre que je me faisais bouffer, parce que je me sentais mauvaise conscience à l'idée de ne pas montrer une âme suffisamment compatissante... Le déclic s'est produit le jour où j'ai compris que ce que les demandeurs de conseils recherchent en priorité : un bouc émissaire! "
Epauler quelqu'un, faire acte de présence psychologique, marquer son intérêt envers les autres, sont autant de gestes de solidarité indispensables qui rendent le quotidien plus humain, plus chaleureux. Ce principe de vie n'est nullement remis en question.
Mais trop souvent, la personne qui quête une sorte d'autorisation avant de "passer à l'acte", cherche essentiellement à éviter d'avoir à prendre ses responsabilités. A seule fin de pouvoir se retourner contre quelqu'un d'autre en cas de fiasco.
Dans son propre intérêt comme dans celui d'autrui, mieux vaut refuser d'entrer dans un tel jeu. Impossible d'y faire preuve de fiabilité. Les cartes sont truquées.
Mauvaise donne, également, quand la confidence - déprime systématique prend le pas sur le sympathique échange de vues.
Devenir le réceptacle des perversions, horreurs, injustices ou folies ordinaires vécues par les couples, les familles, les amants, les esprits ou les corps malades n'offre rien de particulièrement réjouissant..
D'autant que le sentiment d'impuissance à résoudre quoi que ce soit pour autrui à travers le conseil pieux peut finir par devenir torturant... "Tu sais que j'ai une maladie incurable...... ou "si je m'écoutais, je crois que je tuerais mon père : Je le hais", et encore "mon fils se drogue, à ma place que ferais-tu ?" et enfin : "J’ai trompé mon mari et je suis enceinte, quoi faire ?", constituent un échantillon des aimables aveux souvent assortis, de plus, de la formule cadeau - surprise qui achève de démolir le psy amateur : "bien entendu, je ne le dis qu'à toi, parce que tu es un vrai tombeau et que tu sais garder un secret..."