Bobards à mise en scène compliquée et à gros investissement imaginatif,
comme ceux de Lise, ou mensonges plus anodins, l'enjeu est toujours le
même: besoin de se sentir admiré, reconnu, aimé, socialement ou
affectivement. A première vue d'ailleurs, il n'y a pas grande différence
entre les deux sexes; le mensonge semble être la chose la mieux partagée
au monde. Pourtant, les individus de sexe masculin seraient plus portés
que leurs congénères du sexe opposé à la «mendacité»; c'est le nom barbare
et savant que les scientifiques donnent à ce que, à un autre niveau de
langue, on nommerait un «craque », c'est‑à‑dire la propension à débiter
des sornettes.
Deux enquêtes réalisées il y a quelques années dans la région parisienne;
l'une porte sur des adultes, l'autre sur des adolescents de 14 à 18 ans.
Il s'agissait, dans les deux groupes, de mesurer la véracité (aptitude à
dire la vérité) de chacun.
Dans le groupe d'adultes, la véracité est représentée par le chiffre de
64%, elle tombe en moyenne à 40% dans le groupe d'adolescents. En
comparant les résultats du deuxième groupe du point de vue du sexe, les
chiffres sont respectivement de 32,4% pour les garçons et de 48,6% pour
les filles. Résultats encore affinés par l'examen d'une troisième enquête
réalisée sur un groupe mixte de 500 écoliers, d'où il ressort que les
filles sont plus portées que les garçons à placer le mensonge parmi les
actions les plus répréhensibles. Commentaire : comme nous les savons
généralement moins menteuses (résultat de la première enquête), il semble
permis de supposer que la relative gravité qu'elles accordent au mensonge
a pour effet de les en détourner.
Et toc! Une bonne claque aux idées reçues et à la détestable réputation de
menteuses invétérées, rarement remise en cause, et qui nous poursuit
depuis la nuit des temps. Les accusations qui pesaient sur nous étaient...
mensongères. «"Ils" mentent plus que nous. C'est scientifiquement
démontré. S"'ils" donnent l'image d'être francs, clairs, limpides, c'est
qu'ils s'y prennent autrement, c'est tout. Nous, nous mentons
"activement", nous inventons, nous brodons; eux, ils "passent sous
silence". » « Mentir, explique François, inventer des histoires, ce n'est
pas dans mes moyens: je n'ai pas des capacités imaginatives
extraordinaires et, de plus, il faut une excellente mémoire pour se
souvenir de tout ce qu'on a pu dire. Ce n'est pas que je n'ai rien à
cacher, avoue‑t‑il, mais j'essaie, autant que faire se peut, de rester
très évasif sur l'ensemble de mes activités. » Mensonges par omission. En
fait, s "'ils" ne mentent pas, ou plutôt s'ils donnent l'impression de ne
pas mentir, c'est plus par confort intellectuel que par probité morale.