La
« diabIesse » en question? Une fille adorable, drôle, qui en «rajoute»
parfois, histoire de se désennuyer un peu, de voir et de faire voir la vie
en rose. Pas de quoi en faire un fromage.
Seulement voilà, au chapitre des idées reçues, l'homme est franc comme
l'or, la femme dissimulatrice et simulatrice en diable. Celle qui dans son
discours embellit un peu la réalité est forcément de mauvais aloi, elle
trouble les esprits, elle inquiète.
C'est Pandore, l'ensorceleuse, la traîtresse, qui, par ses discours
insinuants, incite un époux trop crédule à ouvrir le fameux coffret
contenant tous les maux de la création; calamités répandues depuis dans
tout l'univers et pour l'éternité.
C'est Eve enfin, et sa maudite pomme, racontant des salades à ce brave
type d'Adam; on connaît la suite: colère noire du créateur; verdict sans
appel: virés du paradis terrestre à perpette. Maudits par tous les dieux
de l'Olympe, privés d'Eden à jamais et tout ça pour des blablas mielleux
de bonnes femmes, voilà ce qu'on vous reproche, voilà de quoi vous êtes
responsables.
Et s'il n'y avait que ça, mais on vous accuse aussi de vice de forme. Vous
êtes travesties, truquées, «arrangées», disent‑ils. Beauté mystificatrice
du maquillage: blush, rimmel, fard à paupières. Jeunesse de simulation:
peau tendue, cheveux colorés, silhouette juvénile obtenue à coups de
body‑building et de crèmes amincissantes. Trompés sur la marchandise, les
messieurs, floués.
Mais il y a pire que le vice de forme: le vice anatomique, le vice
fonctionnel. Corps lisse, statique, invariable, où rien ne permet
d'identifier le désir ; aucun indice, aucun signe non plus qui marque le
plaisir.
La femme, si elle le veut, peut feindre la jouissance, donner le change,
l'illusion de la vérité. « Peut‑on aller plus loin dans la mystification?»
interroge Pierre, qui ajoute: « C'est ce mensonge, que l'on pourrait
qualifier de "matriciel", qui fait suspecter tous les autres; on peut
penser qu'il engendre et englobe toutes les supercheries, toutes les
roueries, tous les subterfuges. »
Après l'argument culturel, l'argument physiologique qui tend à présenter
le mensonge comme un fait purement féminin. Inquiétant! Seriez‑vous donc
réellement, et par nature, plus menteuses que les hommes? Le mensonge,
masculin ou féminin, tourne toujours autour du besoin d'amour. L'enfant,
sans distinction de sexe, ment pour ne pas provoquer la colère de ses
parents et risquer, du même coup, de perdre leur affection. Victor, 8 ans,
affirme que c'est Jeanne, sa petite soeur de 6 mois, qui a provoqué la
catastrophe: le pot de miel bien liquide, bien gluant, sur le dossier de
Sécurité sociale que Marie vient de poser sur la table de la cuisine. Il
affirme, confirme et maintient, contre toute évidence: Jeanne est assise
sur la chaise d'enfant, à cinquante centimètres de la table.
Mensonge grossier, Victor le sait, mais il ne se sent pas de taille à
affronter les foudres maternelles qui ne manqueront pas de s'abattre sur
lui. Alors, il invente n'importe quoi. Mensonge de défense. Sauve qui peut
et comme on peut.