Au moment de passer le péage, c'est le genre à lancer à la préposée harassée un compliment sur son uniforme acrylique appuyé d'un long clin d'oeil.
Même chose avec la serveuse, la maîtresse de maison, la fille au pair des amis. Et avec toutes les femmes... Enfin, les casées et celles situées avant ou après la limite d'âge... Parce que, avec celles qui ne demandent que ça, il se montre beaucoup moins loquace. D'ailleurs, régulièrement, son entourage se demande par quel mystère, en ces temps de pénurie, aucune célibataire n'a réussi à mettre le grappin sur ce délicieux garçon, doté en prime d'une excellente santé et d'une "bonne situation".
En réalité, le baratineur compulsif est mort de trouille. C'est tout l'effet qu'on lui fait. Il a peur d'être bouffé tout cru, dévoré et puis rejeté comme un vieux chewing-gum. Son coeur sera, et pour
longtemps, à celle qui comprendra qu'il est à prendre de force.
Le yuppie en manque
Même dans ses plus intimes
rêveries, les termes "vacances" ou "loisirs" évoquent plus un secteur économique en pleine expansion que le farniente et le chant des cigales.
Mais, motivé par la perspective de repartir fringant à l'assaut des marchés, il est là pour décrocher.
Pour se refaire une santé. Il n'a rien oublié. Ni son maillot. Ni sa raquette. Ni le Goncourt qu'on lui a offert à Noël et qu'il n'a jamais eu le temps d'ouvrir... (Ni son Itinéris en cas d'urgence au bureau.)
La maison est divine, les amis délicieux, la mer à 24°... Y'a plus qu'à. Mais dans certains cas graves de boulot-addiction, les vacances ressemblent davantage à une cure de désintoxe qu'à une partie de plaisir. Car une fois rattrapé son déficit de sommeil, le yuppie en manque finit par en avoir marre de dormir. Et puis, piquer une tête, se sécher, repiquer une tête et revenir se sécher, c'est pas un peu répétitif ? Sans compter que dans ce bled paumé, Le Monde n'arrive pas avant
17h3o...
Autant dire que seule une histoire d'amour peut le tirer de ce marasme.