Il vous est certainement déjà arrivé d'être vaguement méfiant face à quelqu'un, alors que rien dans son discours ne motivait cette réticence.
C'est sans doute parce que, sans savoir l'interpréter, vous veniez de
repérer une rupture de conformité entre son message verbal et son message
non verbal. Et dans ce cas, c'est le non verbal qui laisse la trace
prioritaire.
Autrement dit: votre interlocuteur ne croit pas à ce qu'il dit, et son
attitude le montre en livrant malgré lui la partie du discours qu'il
désire tempérer, cacher, travestir. C'est le cas du petit garçon qui
grattouille le bout de son nez en assurant qu'il a fait tous ses devoirs.
C'est le cas de ce ministre qui affirme n'avoir pas été mis au courant
d'une affaire délicate, en ramenant les pans de sa veste et en croisant
ses jambes. C'est le cas du représentant qui certifie la qualité de son
produit en se reculant et en arrangeant le nœud de sa cravate d'un air
avantageux.
La rupture de cohérence peut se manifester de diverses manières. D'abord, il y a tout ce que l'on appelle les gestes barrières. Ce sont tous ces mouvements machinaux derrière lesquels on aimerait bien se cacher. Ils résultent souvent d'un geste instinctif plus large que la raison réprime. Ainsi cet automobiliste à qui vous venez de refuser une priorité. L'aile de sa voiture neuve est froissée. Tout en vous assurant que cela n'est pas très grave, il passe sa main dans son cou et glisse un doigt dans le col de sa chemise comme s'il avait soudain très chaud. De toute évidence, sa main s'est d'abord avancée comme pour frapper. Mais le geste impulsif a été détourné par la raison, et la main s'est posée sur la nuque.
Le tout s'est passé très vite, autant pour vous que pour votre interlocuteur qui n'a pas eu conscience de cette pulsion.
 |
Jambes et bras croisés, main sur la bouche, le personnage (à gauche) manifeste de la nervosité, se replie sur lui même. L'autre (à droite) regarde droit devant lui avec réprobation.
Jambes en position de marche, une main dans la poche et l'autre sur le revers du veston, il réprime un désir d'action agressive par convenance sociale.
|
Si vous vous trouvez tout près de votre interlocuteur, observez donc ses yeux et sa respiration. " D'abord les pupilles se contractent à l'instant précis où l'on est en rupture de cohérence interne. Quant au souffle, c'est un signal facile à déceler: En situation normale, nous soufflons avant de répondre à une question. En cas de rupture de cohérence, le souffle intervient après la réponse, comme si cette expiration venait décharger notre conscience d'un poids.