Il est très difficile
de mener une enquête précise dans les domaines qui touchent la sexualité.
D’une part, parce que les personnes interrogées sont souvent trop
soucieuses de « bien » répondre. D’autre part, parce que les questions ne
permettent pas d’appréhender correctement le monde fantasmatique.
A titre d’exemple,
dans l’enquête menée en 1987 avec Martine Joseph (Les fantasmes, Editions
de la Louvière), nous avions été surpris de constater, que les fantasmes
de triolisme et l’essai (confirmé ou non) de l’échangisme concernait
moins de 20 % des couples interrogés.
En approfondissant le
sujet, les personnes soit disant « pas du tout concernés par le problème »
affirmaient avoir déjà eu des fantasmes évoquant des rapports avec
plusieurs personnes à la fois (équivalent à de l’échangisme) ou avoir fait
l’expérience d’une relation à plusieurs un soir de fête. Un moment festif
qui concernait à présent 42 % des hommes et pour 51 % des femmes. Mais
rien à voir selon eux, avec de l’échangisme ou du triolisme.
Aujourd’hui, la
pratique ouverte en cercle intime ou clubs, pour l’échangisme, concerne
19% des messieurs et 16% des dames. Une réalité peu reconnue en ces
termes, puisque parler « d’échangisme » ou « de triolisme » reste encore
frappé de jugement de valeur péjoratif. Ce ne sont d’ailleurs pas les
seuls à être banni du langage politiquement correct.
En fait, on condamne
tous les comportements qui tendent à s’éloigner de la sexualité génitale,
soit le rapport avec pénétration vaginale, baisers et caresses mutuelles.
Toutes les conduites qui s’en écartent sont appelées de façon générale
« perversions ».
Au début du XXème
siècle, « perversion » s’entendait comme anomalie du comportement sexuel.
Dans le DSM I apparaissait pour la première fois le terme de « perversions
sexuelles ». Mais celui-ci à l’époque était synonyme de péché avec tout ce
que ce mot pouvait réveiller dans l’imaginaire et la morale puritaine.
En 1980, on retrouve
ce terme dans le DSM III répertorié sous les troubles psycho-sexuels qui
concerne tous les troubles de l’identité de genres et les paraphilies
(Para –déviation- étant le chemin sur lequel l’individu est attiré). Cette
catégorie recouvre : le fétichisme, la pédophilie, l’exhibitionnisme, le
voyeurisme, le sadisme, le masochisme, la zoophilie, la coprophilie, la
nécrophilie, la mysophilie, la scatologie, l’urologie...
Aujourd’hui, parler de
perversion pour qualifier des sexualités dites « différentes » de celles
considérées comme « saines » ou « normatives », paraît trop fort.
En psychologie, ce mot
ne dérange pas puisqu’il n’est pas connoté d’une valeur négative. L’homme
est un pervers, dans la mesure où son imagination et sa créativité
l’amènent à détourner de leur finalité certains comportements.
Par exemple, la
recherche du plaisir dans les rapports sexuels est une « perversion »
puisque, et de nombreux auteurs le soulignent, la sexualité « normative »
n’a pour but que la procréation. Les cultures et la psychologie ont
d’immenses difficultés à décider avec certitude de ce qui est « normal »
et de ce qui est « pervers ».
Dans la pratique, on
dira que tous les scénarios au cours desquels se réalisent les fantasmes
semblent admissibles. Ils ne sont pas condamnables s’ils s’exercent dans
le respect le plus profond de chacun et s’ils mènent à la satisfaction des
partenaires.