Est‑elle le lot de tous ou le privilège de quelques élus
destinés a faire impunément les gorges chaudes de leurs collègues de
travail, de leurs amis, de leur famille, voire de leur propre progéniture?
Marie‑Claude garde un souvenir amer du jour où, fière comme
toute mère se doit de l'être, elle amena son adolescent de fils à son
bureau pour le présenter à ses à consoeurs.
Pourquoi précisément ce
jour‑là fut‑elle accueillie par un choeur, par ailleurs
d"excellente humeur, lui demandant ce qu'elle avait oublié la veille?
Inutile d"épiloguer sur l'interprétation que fit du l’incident ledit
adolescent. Il se régala de l'information, la fit passer au petit frère,
condamnant ainsi la pauvre mère à s’abstenir de toute réflexion perfide
lorsque lui même allait à l’école en oubliant stylo et cahier de textes
quand ce n’était hélas les devoirs eux‑mêmes qui passaient directement
aux oubliettes.
Il est vrai que Marie-Claude, la semaine précédente, avait
balancé aux ordures son portefeuille copie grand sellier, made in
Paraguay qui lui permettait de frimer honorablement et son styIo
Waterman, un vrai celui‑là, à plume or.
Une mésaventure coûteuse qu'elle
avait eu la faiblesse de raconter à ses copines de bureau.
Une bonne
leçon. Qui ne sert pas à grand‑chose puisque de son agenda à sa carte
Orange, elle oublie régulièrement une partie de ses affaires au travail.
Tout en affirmant, cri toute bonne foi, qu'elle fait attention. «Je me
demande comment, dit sa supérieure hiérarchique, tout en cherchant un
document qu'elle a égaré, c’est tellement simple de ranger les choses
toujours à la même place ... »
Que celui ou celle qui n’a jamais perdu un jour ses
clés, un mouchoir ou même la tête un bref instant jette la première
pierre.
D'ailleurs, c'est simple, un petit tour au service des «Objets
trouvés» rue des Morillons, à Paris, permet de saisir d'emblée la
dimension du phénomène de distraction qui nous frappe tous, sans
discrimination de sexe ni d’âge, un jour ou l’autre.
Ne trouve‑t‑on pas,
entre des murs entiers couverts de trousseaux de clés et d'étagères où
s'empilent des parapluies, des chapeaux de tous les styles, des
dentiers, oui, des dentiers. Et même des jambes de bois. Parfaitement,
vous avez bien lu! Ce qui prouve bien qu'en matière de distraction nul
n'est prophète en son pays.
D'ailleurs, l'ancien directeur de ce temple
des têtes en l'air raconte que pas une seule catégorie sociale n'échappe
au piège, fût‑il bandit ou homme d'affaires. «Un jour d'été, dit‑il, un
couple jeune et beau est venu nous rapporter 20 000 F de l'époque (3 000
€) en coupures qu'ils
avaient ramassés dans le caniveau des Champs‑Elysées dans un vieux journal
en lambeaux.»
Un an et un jour plus tard, ils sont revenus, séparément,
récupérer la part qui leur revenait, personne n'étant venu réclamer cet
objet peu ordinaire, fait d'une rare distraction.
Distraite
?
La distraction, charme, défaut
ou calamité ou
maladie héréditaire.
Attention psy sauvage !
La distraction peut être un vilain
défaut
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