On archive pieusement les numéros historiques des vieux Libé (la mort
D'Hergé, la chute du Mur de Berlin) comme mome ses vieux Paris Match (le
suicide de Marilyn, l'assassinat du Président Kennedy) ? On javellise les
carrelages dès qu'un distrait oublie d'ôter ses pompes en entrant ? On «
secoue » rageusement les draps avant de les plier... Attention: « On
dirait ta mère »...
Eh oui, on a beau faire notre marché en rollers, choisir nos fringues sur
www. fashion‑victim.com et donner des petits pots bio à junior, rien à
faire: côté cuisine, ménage, et manies en tout genre, on se décalque
toujours plus ou moins sur notre génitrice.
Ça ne prouve d'ailleurs pas
qu'on a hissé sa mère sur un piédestal, qu'on n'a jamais réussi à couper
le cordon ou qu'on est en voie de « mémérisation » rapide.
On est tout
simplement le maillon d'une chaîne de femmes, le fruit d'une saga
familiale qui rencontre d'ailleurs souvent l'Histoire, avec un grand H.
Comme Carole, petite‑fille de juifs polonais qui a toujours un sac de
voyage prêt à l'usage, au cas où un régime facho prendrait le pouvoir (et
où il serait vivement recommandé de prendre la fuite). Ou Nathalie, qui
n'achète que des grosses bagnoles, à cause de la capacité du réservoir («
Pratique pour passer les frontières à toute blinde sans devoir
s'arrêter... »). Et emporte les morceaux de sucre inutilisés au café,
comme sa grand‑mère, qui a connu les privations de l'occupation.