Evidemment, la première fois, dire non ne vient pas spontanément.
On se cherche des prétextes. Des amis étrangers de passage qu'on ne peut ab-so-lu-ment pas décevoir, des places pour Pelléas et Mélisande obtenues. par miracle...
Impensable de dire tout simplement à ses parents que : primo, si l'on ne vient pas, c'est qu'on n'en a pas vraiment envie, secundo, ça n'a rien à voir avec eux et l'affection qu'on leur porte, mais on cavale déjà toute la semaine, on a envie d'un week-end peinard (et pas de 600 kms
d'autoroute le week-end le plus meurtrier de l'année, un argument qui peut
porter).
Evitez
le ton revanchard, il y a de grandes chances pour que ça leur fasse de
la peine (au moins un peu, et ils ne se gêneront pas pour vous le dire).
Faites
preuve de gentillesse et de fermeté. Si vous n'avez pas l'air de
régler des comptes, mais de faire une chose banale et naturelle, ça
passera probablement beaucoup mieux que vous ne l'auriez cru. Et ça créera
un précédent utile.
Idem avec votre vieille copine Ghislaine, adorable mais in-ca-sa-ble, toujours larguée par Pierre, Paul ou Jacques, toujours à la recherche d'une quatrième pour ses bridges du dimanche soir. Comme c'est vous qui lui avez suggéré d'arrêter de se morfondre en se montrant entreprenante, vous n'envisagez pas de dire niet, de faire vraiment la morte au bridge, mais du fond de votre lit. Pourtant, si vous osiez, il se passerait quoi ? Elle vous rappellerait sans doute le lendemain pour raconter, ravie, que finalement Thierry (ou Isabelle) avait amené un copain a-do-ra-ble, ou que le bridge impossible à trois s'est transformé en virée cinéma...
Pareil avec votre jules qui prend des airs mourants, dès qu’il a un petit 37°2, et déclare qu'il ne peut absolument pas partir cet état en week-end chez Sophie et Bernard. Donc, on fait l’impasse sur la campagne. Et on se passe un dimanche tristounet, entre deux grogs, trois boîtes de Kleenex et les ronflements béats de son chéri, qui se fiche pas mal qu'on joue les infirmières.
Caroline, elle, est une sacrifiée qui s'ignore, Sous prétexte que son mari part plus tôt qu'elle au boulot (cinq minutes au plus), elle se coltine tous les matins le petit déjeuner et l'habillage des mouflets pendant que monsieur se rase et finit de boutonner son polo. L’idée de squatter la salle de bains pour se faire un oeil de biche plutôt que de se maquiller dans sa voiture, ne lui vient même pas à l’esprit. Elle court, il prend son temps, c'est l'habitude qui veux ça, et elle n'envisage pas de repenser cette règle arbitraire.
On
pourrait multiplier les exemples à l'infini. Le quotidien est truffé
d’occasions de ne pas se sentir à la hauteur, et les femmes mettent un bon
moment avant d'oser avouer leur manque d'entrain à se hisser à ces mets.
Pourquoi ?
On tremble à l'idée de provoquer un clash, une révolution. De déroger à la
règle (qu'on s'est souvent fixée soi-même, alors que personne ne nous
demandait rien). A la longue, c'est le meilleur moyen de virer aigrie et
rancunière, accusant les autres -un comble !- de nous empêcher de vivre.
Pourtant,
que se passerait-!il, si on osait parfois dire non, ou moi d'abord ? On
s'apercevrait, étonnée, que la terre ne s'écroule pas. Miracle, personne
n’est mort.
Conclusion : on peut revoir son catéchisme, et se souvenir à
l'occasion, du fameux "Charité bien ordonnée commence par soi- même". Mais
ça implique, aussi, de s'asseoir sur son orgueil, en admettant cette
(cruelle ?) vérité : le monde tourne parfois très bien sans nous. Preuve
que si nous sommes irremplaçable, nous ne sommes pas toujours
indispensables. Bonne nouvelle,non ?